Hurlement
Je me tiens fixé à distance
de la barrière et j’observe l’œil curieux. Deux quidams se promènent au loin
sur la passerelle. Le Soleil rougeoyant illumine la prairie desséchée et les
flots glaçants. Le froid ronge un homme à côté de la palissade et le vide de
ses pensées. La nuit naissante inonde le fjord d’un noir bleuté, fils d’un
astre distant et des cieux. Aucune voix n’existe et aucun animal ne se
manifeste. La vie semble être ankylosée par l’aridité glaciale et dérisoire
face à celle, pullulante, des contrées tropicales. Les deux passants sont
étrangers et absents de cet univers. Le vert des plantes est brûlé par les
larmes de feu de l’étoile fuyante. Les détails s’effacent et laissent place aux
flous pastel sanguinaires.
Il ressent la solitude dans cette nature dégarnie par le
créateur. Sa peur ondule dans son corps et fait vibrer son âme chétive. Des
reflets cadavériques éclosent de sa chair, enfants de ses tourments et de cette
terre dévastée. L’altération de son âme atrophiée prend une forme physique
putride. Son visage, au teint blafard et éclairé par une lueur rubescente, devient
fantomatique. Cet effroi prend une naissance corporelle au fond de ses poumons.
Puis se jette, rageuse et puissante, à travers des cylindres organiques afin de
se précipiter hors de l’enveloppe charnelle tremblante. Il crie.
Angoissé et admiratif, je quitte Le Cri de Munch pour
d’autres toiles.