L'auteur
Je regarde à la fenêtre et
je constate les intempéries. Ma main tient le rideau blanc et mes yeux balayent
le jardin. Je me répète bêtement, quel temps maussade… Pourri serait le mot
adéquat cependant. Je quitte la vitre où frappe la pluie avec mélodie pour
m’asseoir à mon bureau.
J’attrape un stylo encre et je vérifie qu’il reste assez
pour écrire. Les feuilles blanches sont dans le deuxième tiroir, mon bras
gauche y plonge.
N’ai-je rien oublié ? Mon crâne repose sur mon bras
droit, un réflexe chez moi notifiant une certaine réflexion, puis je me lève et
baisse le volet. Ce n’est pas en restant dans ce monde qu’on en crée un autre.
Je ne vois plus rien et je me dirige à tâtons vers ma chaise. Mes pas sont
lents et pensés, je me concentre sur le siège et je le visualise mentalement. Mes
doigts brassent l’air, ensuite je la touche, j’y suis arrivé et je ne bouge
plus.
Je lance mon bras droit en quête de ma lampe de travail.
Les recherches, infructueuses au début, se révèlent payante par la suite. Le
fil attrapé, mes doigts retrouvent l’interrupteur.
Les rayons
explosent de l’ampoule et je détourne mon visage. L’engin est braqué sur moi et
je le dévie. Tout me parait prêt, enfin quoique. Installé confortablement, je
pose mon stylo plume sur la page vide.
Je ne sais même plus ce que je voulais écrire. Mes lèvres
à demi closes soufflent sur ce papier « inspiration ». Je lève ma
tête puis mes yeux dansent et ma bouche adjure maintenant. « Inspiration,
viens ici ! Viens la ! ». Et la je ris tout seul. Seul comme un
idiot qui se parle à lui-même, mais qui ne l’a pas déjà fait ? Je n’ai
aucune idée en moi et l’originalité n’est pas ici à première vue. Quelle
situation ridicule d’appeler l’inspiration, j’en glousse une dernière fois et
me remet en position pour rédiger.
Le stylo est tenu fermement par ma main, mais ce n’est
pas ce détail ridicule qui va faire évoluer ma situation. Je l’observe et m’en
approche. Il semble un peu usé pourtant il fonctionne très bien. Je suis
attaché à cet objet et je trouve parfois que c’est absurde de lui prêter ce
type de sentiment. « Ecris ». Surpris en premier par mes propres
paroles, la joie se dessine sur mon visage fin. Je lance une nouvelle fois à
mon compagnon de création l’ordre. « Ecris ! ». Quel sot je
fais ! Il n’y a personne, donc aucune honte… Je prends un air ténébreux et
jette un regard horrifique vers ce pauvre stylo innocent. La chaise repoussée
debout, je hurle « Crée ! ».
Je suis projeté dans un gigantesque boucan contre une
paroi. Des douleurs horribles traversent mon corps de part en part. Je grogne
et je me demande comment j’ai encore pu faire. Relevé, j’ouvre enfin les yeux
sur la situation.
Une coursive, de métal parait-il, s’offre à moi. Je ne
comprends pas, qu’est ce donc que cela ? Je marche un peu et scrute les
lieux. Je me tourne et me retourne sans cesse pour trouver des réponses.
Fini les délires, Où suis-je ? J’ai peur. C’est quoi
ce truc ? J’écoute, des bruits de pas, mon cœur s’emballe avec leurs
rythmes. J’entends, cris d’horreur, explosions, tirs et des combats auxquels le
terme prisonnier n’appartient pas.
Je cours. Ma course résonne. Je veux voir personne. Mon
esprit se perd.
Des tirs inconnus passent au dessus de mon crâne et je
sens une chaleur incroyable s’en dégager. Les traînées bleutées sont
magnifiques et illuminent le plafond récemment défiguré. Les rafales deviennent
folles et la rage s’identifie comme ma poursuivante.
Je veux vivre. Etre Ivre. Ecrire un livre. M’enfuir
J’évite une boule orangée immense qui finit sa course sur
un mur. L’explosion et l’énergie dégagée me font perdre conscience et…
Noir. Vide. Mais pourquoi le noir est-il un synonyme de
néant ? Et le blanc ne pourrait-il pas l’être ? J’ai mal. Qui
suis-je ? Où suis-je ? Quand sommes nous ?
Deux individus me transportent en me laissant traîner par
terre. On me déplace comme un cadavre, comme un objet sans valeur. Ils me
croient mort…
J’assemble mon esprit et rassemble mes forces tout en
tentant de rester parfaitement inerte. Celui de gauche me tient avec une de ses
quatre tentacules et celui de droite avec une patte maigre et cuirassée.
Mon corps ne fait qu’un avec mon âme et surgit de sa
torpeur. Je frappe mes adversaires, prenant leurs armes et faisant feu sans
pitié. Impressionné par ma performance, je souris. Quel bêta je fais ! Je
regarde tout de suite si je suis repéré immédiatement. Les cadavres de mes
opposants gisent sur le sol et une fumée ainsi qu’une odeur fétide s’en
dégagent.
Je les quitte pour… Pour quoi ? Je ne sais pas où
aller. Mais j’avance, car je veux rester libre et m’en sortir.
J’ouvre une porte sans faire de bruit. Une personne est
assise sur un siège et fait dos à l’ouverture. Je marche doucement dans sa direction
en pointant mon pistolet. Mes pas sont lents et calculés. Je vais l’avoir. Le
menacer. Le questionner et…
Je sens une arme dans dos et je lache la mienne. On me
pousse vers le bureau. L’individu se tourne vers moi… Je vois un monstre
immonde. C’est indescriptible ! Je n’ai jamais vu pareille chose et mon
estomac en est retourné. Des liquides écoeurants s’écoulent de sa carcasse
nauséabonde. Je crois apercevoir des vers gluants sortir de ses membres…
L’imagination ne peut pas créer cela et je croyais qu’il ne pourrait jamais y
avoir d’image semblable. L’innommable est bien la.
Mes longilignes bras tremblent et je les pose sur la
table. Les doigts écartés, je tente de tenir le duel du regard. Son teint
vitreux et ses plis graisseux répugnants agressent mes rétines. Je tiens.
Non, je me sens mal. La folie va m’envahir ! La bête
bondit et me plante une dague née de la putridité dans la main droite. Les
paupières clauses, à genoux et la tête levée je rugis ma douleur et mon
désespoir.
Des larmes coulent, et ma haine s’évacue. Le sang a coulé
sur les mots. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir et me poser des questions
sur mon état ou le monde. Je contemple ma feuille tachée par mon hémoglobine et
la plume enfoncée dans ma paume.