Errant dans la nuit
J’ai
récemment pris une nouvelle dose de L.S.D.-25, et pas dans l’unique but d’une
référence ou hommage. Mon esprit s’ennuie et je crois entendre l’univers me
chuchoter à travers les étoiles de le rejoindre. Je me balade dans les couloirs
sombres de ma maison et observe les jets de lumières diffus projetés par les
lampadaires extérieurs. Mes pantoufles raclent les carreaux et mes mains
courent sur les murs blancs.
Je
m’arrête puis fais danser mes doigts sur cette scène vierge. Je perçois les
murmures des animaux profitant de l’absence du Soleil pour s’agiter alors que
les humains dorment. Mon souffle se grandit et s’emporte avec mes sens. Les
acrobates se démultiplient sur les parois et s’animent furieusement. Des
musiques débutent et je les écoute. Les personnages chantent et se galvanisent
par les rythmes frénétiques. Les mouvements deviennent déments et atteignent ce
que je pense être leurs paroxysmes. A croire que mon corps s’est détaché de mon
esprit. J’en oublie que j’en suis le spectateur immobile et victime. Cela me
plait bien malgré tout.
Mon
visage est joyeux et en redemande. Je me souviens des beaux spectacles que j’ai
vu enfant. Ils n’ont plus la même saveur quand le monde grandit, mais dans cet
instant je vis comme en enfance. L’émerveillement sans arrières pensées et
toute l’innocence sans mesure de la réalité sont retrouvés. Je suis heureux et
j’en veux encore.
Ils
se déforment et frétillent avec aliénation. La mélodie s’enflamme tout comme
mon cœur, puis les gestes s’entrechoquent. La magie éclate et je ferme mes yeux
pour clore la représentation.
Je
suis triste. Que s’est il passé ? J’essaie d’effacer la déception, mais je
sens les larmes me venir. Pourquoi ? C’est juste un spectacle, rien
d’autre. Où se cache le malheur ? Nulle part. Je me demande si je ne le
crée pas. Trop de réflexion me rend mal et mauvais. Je choisis de ne plus y
penser et de faire autre chose. J’ouvre mes yeux.
Je
marche et mes charentaises me guident. Je patiente et écoute attentivement
leurs conseils pour le chemin à suivre. Un chausson est très poli, serviable et
encore mieux sait vous emmener n’importe où sans souci. Ou du moins chez soi.
Parvenu
au salon, deux prunelles me fixent. J’angoisse et je vois si personne n’est à
côté de moi. Bizarrement, mes charentaises deviennent muettes à ce moment.
L’envie de pester après elle me passe vite à cause du regard jeté sur moi. Des
sueurs froides sortent de mon enveloppe physique, je ne comprends pas. Le
malaise m’envahit et la bête ne me quitte pas. Elle est sûrement nyctalope et
ses yeux brillent comme un feu. La créature nocturne pousse un gémissement puis
un cri. Je bondis contre le mur et ne bouge plus. Elle se dirige vers moi sans
bruit audible avec son regard flamboyant. J’ai peur et je semble trembler. Mon
corps m’abandonne et des sifflements résonnent dans mon crâne. Des sons de
griffes tapées sur le parquet s’engouffrent dans le silence pesant qui n’est
plus. Pire qu’une paix sonore, la marche devient rythmée par les armes. Mes
sens sont fous et perdus, ma perception est l’égale de ma raison.
Son
visage difforme s’affiche dans les restes putréfiés de mon âme agonisante. Mon
oreille altérée par l’effroi et la chimie de mes choix illégaux me murmure un
hurlement innommable. La réalité prend corps avec l’imaginaire, ou bien est-ce
le contraire. Je ne me pose plus cette question car je dois faire face à la
terreur, à ce monstre bien réel. Je ne souhaite plus qu’il... Je ne veux plus
qu’il existe. Hors d’ici. L’homme est maître de sa rêverie. Il règne en Dieu
dans son imaginaire et impose sa volonté. Dans la réalité, il est esclave de
celle-ci. Des larmes coulent sur ma peau froide et mes peurs dégoulinent de mon
âme maudite. Je me replis sur moi-même en suppliant toutes les puissances...
Couché sur le sol avec le monstre s’approchant, mon esprit fait son choix.
Une
lueur des cieux transcende mon âme chétive et un réflexe me pousse à saisir
l’interrupteur de la lampe du buffet. Je vois mon chat vomir sur le tapis
oriental.